AGITATION A LA CRECHE, BAGARRES EN MATERNELLE, MENSONGES FREQUENTS… UN ENFANT IMPULSIF EST-IL UN FUTUR DELINQUANT ?
DE PLUS EN PLUS D’ENFANTS HYPERACTIFS
(3/3)
Sylviane Giampino. - Ce vocabulaire se répand dans les crèches et dans les écoles depuis moins de dix ans, car les professionnels sont maintenant formés aux évaluations comportementales. Si ça n’était qu’une mode, nous n’aurions pas pris la peine d’écrire ce livre. Mais ces méthodes ont des effets délétères, car plus vous traitez un enfant d’« opposant », d’« hyperactif », plus il risque de le devenir. L’enfant se moule dans les mots qui le désignent. C’est ainsi que la prévention de notre « meilleur des mondes » peut basculer très vite dans la prédiction. Et que l’on risque de pousser les enfants à la violence à force d’en voir partout. À l’école, à force de traquer l’échec scolaire de plus en plus tôt, on en fabrique à haute échelle !
Pourtant, les institutrices l’affirment : il y a de plus en plus d’enfants hyperactifs, ingérables, intolérants à la frustration…
Sylviane Giampino. - Oui, c’est vrai, mais la société s’interroge t-elle sur les conditions de cette violence ? Et sur sa propre baisse de tolérance ? Nous faisons vivre aux enfants une vie de zapping et de stimulations excessives. Nous ne savons plus nous asseoir à côté d’eux, être disponibles, bienveillants. Nous leur offrons des jouets ludo-éducatifs au berceau, nous leur demandons, quand ils sont à la crèche, de se préparer pour la maternelle ; à la maternelle, d’apprendre à lire pour l’école élémentaire… Nous les projetons en permanence dans le futur. Pourquoi ne seraient-ils pas agités, alors que notre monde l’est ? On leur reproche de manquer de concentration, alors que nous les empêchons de se concentrer sur leur présent, sur leur enfance. C’est paradoxal !
Catherine Vidal. - Puis, pour les remettre dans le droit chemin, on leur donne une « pilule de l’obéissance » qui est de la famille des amphétamines, proche de la cocaïne… Aux États-Unis, huit millions d’enfants soi-disant hyperactifs sont traités à la Ritaline. C’est énorme. Chez nous, les prescriptions sont en hausse !
Pourquoi ne prenons-nous pas la peine de traiter en profondeur leurs souffrances ? Ou de les écouter ?
Catherine Vidal. - La tendance est de chercher une solution rapide, pas chère, efficace !
Sylviane Giampino. - Notre société a un rapport pathologique au temps. Nous ne savons plus du tout être présents auprès de nos enfants sans rien faire. On leur inculque à 7 ans la crainte du chômage, la menace de devenir S. D. F… Subtilement, on remplace l’éducation (qui nécessite du temps) par le conditionnement, le « dressage », voire les médicaments, qui soumettent l’enfant au lieu de lui apprendre la vie. Les enfants ont besoin de temps pour se construire, pour créer, pour rêver. Et leurs parents aussi. Il faut une bonne dose d’inconscience, d’utopie et de rêverie pour grandir ! L’aurait-on oublié ? Pour les « élever », au sens propre, il ne faut pas leur couper les ailes…
DE PLUS EN PLUS D’ENFANTS HYPERACTIFS
(3/3)
Sylviane Giampino. - Ce vocabulaire se répand dans les crèches et dans les écoles depuis moins de dix ans, car les professionnels sont maintenant formés aux évaluations comportementales. Si ça n’était qu’une mode, nous n’aurions pas pris la peine d’écrire ce livre. Mais ces méthodes ont des effets délétères, car plus vous traitez un enfant d’« opposant », d’« hyperactif », plus il risque de le devenir. L’enfant se moule dans les mots qui le désignent. C’est ainsi que la prévention de notre « meilleur des mondes » peut basculer très vite dans la prédiction. Et que l’on risque de pousser les enfants à la violence à force d’en voir partout. À l’école, à force de traquer l’échec scolaire de plus en plus tôt, on en fabrique à haute échelle !
Pourtant, les institutrices l’affirment : il y a de plus en plus d’enfants hyperactifs, ingérables, intolérants à la frustration…
Sylviane Giampino. - Oui, c’est vrai, mais la société s’interroge t-elle sur les conditions de cette violence ? Et sur sa propre baisse de tolérance ? Nous faisons vivre aux enfants une vie de zapping et de stimulations excessives. Nous ne savons plus nous asseoir à côté d’eux, être disponibles, bienveillants. Nous leur offrons des jouets ludo-éducatifs au berceau, nous leur demandons, quand ils sont à la crèche, de se préparer pour la maternelle ; à la maternelle, d’apprendre à lire pour l’école élémentaire… Nous les projetons en permanence dans le futur. Pourquoi ne seraient-ils pas agités, alors que notre monde l’est ? On leur reproche de manquer de concentration, alors que nous les empêchons de se concentrer sur leur présent, sur leur enfance. C’est paradoxal !
Catherine Vidal. - Puis, pour les remettre dans le droit chemin, on leur donne une « pilule de l’obéissance » qui est de la famille des amphétamines, proche de la cocaïne… Aux États-Unis, huit millions d’enfants soi-disant hyperactifs sont traités à la Ritaline. C’est énorme. Chez nous, les prescriptions sont en hausse !
Pourquoi ne prenons-nous pas la peine de traiter en profondeur leurs souffrances ? Ou de les écouter ?
Catherine Vidal. - La tendance est de chercher une solution rapide, pas chère, efficace !
Sylviane Giampino. - Notre société a un rapport pathologique au temps. Nous ne savons plus du tout être présents auprès de nos enfants sans rien faire. On leur inculque à 7 ans la crainte du chômage, la menace de devenir S. D. F… Subtilement, on remplace l’éducation (qui nécessite du temps) par le conditionnement, le « dressage », voire les médicaments, qui soumettent l’enfant au lieu de lui apprendre la vie. Les enfants ont besoin de temps pour se construire, pour créer, pour rêver. Et leurs parents aussi. Il faut une bonne dose d’inconscience, d’utopie et de rêverie pour grandir ! L’aurait-on oublié ? Pour les « élever », au sens propre, il ne faut pas leur couper les ailes…